Une mesure complète du bien-être doit aussi comporter des informations sur les groupes défavorisés et leur situation. Selon le préambule de la Constitution fédérale, la force d'un peuple se mesure au bien-être des plus faibles. L'indicateur « Taux de pauvreté » exprime la part de la population dont le revenu se situe en dessous d'un seuil de pauvreté défini sur le plan financier. Il comprend en plus des informations sur la structure socio-économique des personnes ou ménages pauvres.
Il est usuel, dans les études sur la pauvreté, d'utiliser différents concepts pour déterminer la pauvreté. Le concept absolu de pauvreté (ci-après « pauvreté ») s'appuie sur un seuil de pauvreté correspondant au minimum vital social. Il est complété par le concept relatif de pauvreté utilisé couramment au niveau international (ci-après « risque de pauvreté »). Pour appréhender les aspects non monétaires de la pauvreté, on a recours à un indicateur, également défini au plan européen, qui permet de mesurer le degré de privation matérielle et sociale. Une attention particulière est en outre portée à la pauvreté touchant les personnes actives occupées, car l'exercice d'une activité professionnelle passe pour être un moyen de réduire le risque de pauvreté.
Etat au 14 décembre 2023
Principaux résultats
En 2021, quelque 745'000 personnes étaient touchées par la pauvreté monétaire en Suisse, dont 157'000 actifs occupés. Le taux de pauvreté se situait à 8,7% (±0,7). Par ailleurs, le risque de pauvreté menaçait environ 1,244 million de personnes, et environ 448’000 personnes souffraient de privations matérielles et sociales.
Le seuil de pauvreté moyen était de 2289 francs par mois pour une personne seule et de 3989 francs par mois pour un ménage comprenant deux adultes et deux enfants. Les seuils de risque de pauvreté correspondants se montaient à 2515 francs et 5282 francs.
Par rapport à l'année précédente (8,5%), le taux de pauvreté n’a pas changé de manière significative. Entre 2007 et 2013, le taux de pauvreté de la population totale est passé de 9,3% à 5,9%. Depuis 2014 (6,7%), il a de nouveau augmenté. On n’observe pas de tendance claire pour l’évolution temporelle du taux de pauvreté des personnes actives occupées. Suite à des adaptations méthodologiques, les valeurs à partir de 2014 ne sont plus directement comparables avec les années précédentes.
Contexte
De 2007 à 2013, le revenu disponible a augmenté dans tous les groupes de revenu. Le marché du travail et la situation économique ont été stables, sauf un léger recul en 2009, et ont évolué favorablement. Depuis 2014, le revenu disponible du groupe de revenu le plus faible (les 10 % les plus faibles de la répartition des revenus) a diminué.
Font partie des groupes sociaux particulièrement touchés par la pauvreté les ménages monoparentaux, les personnes les moins qualifiées, les adultes vivant seuls, les personnes de nationalité étrangère ainsi que les personnes vivant dans un ménage qui ne compte aucun actif occupé. Si les personnes de 65 ans et plus sont elles aussi relativement touchées par la pauvreté monétaire (qui est calculé uniquement en fonction des revenus), il convient d'interpréter cette constatation avec prudence car ces personnes peuvent plus souvent puiser dans leur fortune pour leurs dépenses courantes. Les personnes vivant dans un ménage dont plusieurs membres travaillent présentent en général les taux de pauvreté les plus faibles. La pauvreté chez les actifs occupés peut s'analyser surtout en termes d'insécurité professionnelle (à long terme): la pauvreté est plus fréquente lorsque les conditions de travail et les formes d'emploi sont nettement ou tendanciellement peu sûres (interruption de l'activité professionnelle, contrat de travail à durée déterminée, petite entreprise, activité indépendante en solo, par ex.).
Selon le concept relatif de pauvreté, les groupes à risque comprennent, outre ceux mentionnés précédemment, les enfants, mais pas les adultes seuls de moins de 65 ans. Sur le plan de la privation matérielle et sociale, on retrouve parmi les principaux groupes à risques les familles monoparentales, les personnes seules de moins de 65 ans, les personnes sans formation postobligatoire, les personnes de nationalité étrangère, ainsi que les personnes vivant dans un ménage dont aucun membre ne participe au marché du travail. Le taux de privation matérielle et sociale est nettement plus bas chez les personnes de 65 ans et plus que dans les autres groupes d'âges.
Comparaison avec des données subjectives
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Comparaison internationale
Taux de risque de |
Taux de privation |
|
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Suisse | 14,7 | 5,2 |
Italie | 20,1 | 11,3 |
France | 14,3 | 11,4 |
Allemagne | 16,0 | 9,0 |
Autriche | 14,7 | 4,4 |
Etats-Unis | -- | -- |
UE | 16,8 | 11,9 |
Total OCDE | -- | -- |
Tableaux
Méthodologie
La période de référence des revenus SILC 2021 concerne l'année 2020, donc pendant la pandémie de COVID-19. Tous les autres résultats SILC 2021 représentent la situation au premier semestre 2021 (relevé des données de janvier à juin 2021). Afin de tenir compte de l’avantage financier que représente le fait d’être propriétaire de son logement ou de bénéficier d’un loyer inférieur au prix du marché, le taux de risque de pauvreté considère en sus du revenu brut des ménages concernés un «loyer fictif» correspondant à la valeur d’usage de ce patrimoine, après déduction des frais de logement effectivement payés. Comme le loyer fictif n’est pas calculé dans tous les pays, la comparaison internationale se base sur un revenu disponible équivalent sans loyer fictif. Dans le concept de pauvreté absolue, le revenu du ménage est généralement utilisé sans loyer fictif, car les frais de logement sont déjà considérés dans le seuil de pauvreté.
Définitions
Définition de l'indicateur
D’une manière générale, la pauvreté peut être définie comme une insuffisance de ressources (matérielles, culturelles et sociales) telle que les personnes sont exclues du niveau de vie minimal reconnu comme acceptable dans le pays où elles vivent. On définit généralement la pauvreté en termes monétaires. Dans ce cadre, deux types d’approches sont usuelles: l’approche absolue et l’approche relative.
Le taux de pauvreté se réfère à un seuil «absolu»: sont considérées comme pauvres les personnes qui n’ont pas les moyens financiers d’acquérir les biens et services nécessaires à une vie sociale intégrée. Le seuil de pauvreté utilisé a été calculé d’après les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS), couramment utilisées pour mesurer le droit à l’aide sociale en Suisse. Un taux de pauvreté ainsi défini est un ordre de grandeur approprié pour la politique sociale, car le soutien financier octroyé aux personnes ou aux ménages se traduit directement par une réduction mesurable de la pauvreté.
Le taux de risque de pauvreté se réfère à un seuil «relatif»: sont considérées comme à risque de pauvreté les personnes vivant dans un ménage dont le revenu est sensiblement inférieur au niveau habituel des revenus dans le pays considéré. La pauvreté est donc envisagée comme une forme d’inégalité. En effet, le fait qu’une personne soit considérée comme à risque de pauvreté ne dépend pas uniquement de sa situation économique propre (respectivement de celle du ménage), mais également de celle des autres personnes vivant dans le pays concerné. Comme cet indicateur peut être calculé partout de la même manière, indépendamment de facteurs propres à un pays, telle que la législation sociale, il est approprié pour les comparaisons internationales.
Les deux concepts tiennent compte des différentes sources de revenu des ménages, mais pas de leur fortune éventuelle (pauvreté en termes de revenu).
Une personne est en situation de privation matérielle et sociale si elle est confrontée à un manque, pour des raisons financières, dans au moins cinq des treize domaines de la vie quotidienne dans lesquels la population européenne considère qu’il est souhaitable, voire essentiel, d’être satisfait pour avoir un niveau de vie décent. La privation matérielle et sociale sévère est définie comme un manque dans au moins sept des treize domaines considérés.
Les domaines considérés au niveau du ménage sont les suivants:
• Absence d’arriérés de paiements (factures de loyer ou d’intérêts hypothécaires pour le domicile principal, de factures d’eau, d’électricité, de gaz et de chauffage, ainsi que les remboursements de crédits)
• Capacité à faire face à une dépense inattendue de 2500 francs dans un délai d'un mois
• Capacité à s’offrir chaque année une semaine de vacances hors de son domicile
• Capacité à s’offrir un repas composé de viande, poisson ou équivalent végétarien au moins tous les deux jours
• Capacité à chauffer convenablement son domicile
• Disposer d'une voiture à usage privé
• Remplacer ses meubles usés
Les domaines considérés au niveau individuel sont les suivants:
• Avoir accès à Internet à domicile (y c. smartphone, tablette etc.)
• Remplacer des vêtements usés par quelques vêtements neufs
• Possession de deux paires de chaussures de la bonne pointure dont une adaptée à tous les temps
• Dépenser une petite somme d'argent chaque semaine pour soi-même, sans avoir à consulter un autre membre du ménage
• S’offrir régulièrement une activité de loisirs payante
• Se réunir en famille ou entre amis autour d’un verre ou un repas au moins une fois par mois.
Les personnes actives occupées correspondent aux personnes âgées de 18 ans et plus qui, l'année précédant l'enquête, ont eu une activité dépendante ou indépendante durant plus de la moitié des mois (statut d’activité le plus fréquent).
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